Fernando Botero mort ce vendredi 15 septembre à Monaco était âgé de 91 ans. Maître d’une œuvre dilatée il a enchanté le monde de la peinture mondiale.

Le plus colombien des artistes Colombiens

C’est ainsi qu’il aimait se faire appeler de manière un peu ironique, lui qui a passé le plus clair de son temps à l’étranger à étudier, puis à peindre.

Son père, humble agent de commerce qui parcourait les campagnes colombiennes à cheval pour placer ses marchandises, est mort lorsque le petit Fernando avait à peine quatre ans. Formé chez les jésuites, Fernando Botero est élevé par son oncle qui le place à douze ans dans une école taurine pour apprendre la corrida. L’oncle rêve d’en faire un grand torero. Deux ans « d’études » le dégoûteront juste de cette carrière future et lui laisseront une sainte peur de ces terribles taureaux. Mais l’expérience marquera tout de même le jeune adolescent qui peindra plus tard souvent des scènes de corridas.

Fernando Botero © AFP

Il préfère la peinture, et dessine en autodidacte pour des journaux locaux. Après avoir écrit un article qui encense Picasso il finit par se faire expulser à dix-sept ans de son école. Il découvre à Bogota le monde littéraire en fréquentant Federico Garcia Lorca et Pablo Neruda. Il expose deux fois ses œuvres avec succès et gagne aussi le second prix de peinture de la Bibliothèque Nationale. Avec ces 7000 pesos du prix en poche il décide de s’envoler pour l’Europe. De plus vastes horizons l’attendent, il a vingt ans.

Prendre pour modèle une peinture d’un autre peintre, ce que je fais souvent, c’est se mesurer à la puissance picturale d’une œuvre. Si la position esthétique que l’on a est absolument originale par rapport à celle à laquelle on se confronte, l’œuvre que l’on fait est elle-même originale.

Botero

Une formation auprès des grands maîtres

Il séjourne dans différentes villes européennes pour se frotter aux grands maîtres anciens de la peinture. Souvent il fera allusion, ou rendra hommage à sa manière, à ces grands artistes du passé, en réinterprétant leurs œuvres à sa façon.

A Madrid il étudie la peinture à l’Académie Royale des Beaux-Arts Saint-Ferdinand et fréquente assidument le Musée du Prado où il est très inspiré par Goya et Velasquez, autres grandes sources de son œuvre future. Puis il ira à Paris, hantant le Louvre, se désintéressant de l’art moderne. Ensuite ce sera Florence où il est admis à l’Académie San Marco où il apprendra l’art de la fresque et fréquentera les grands maîtres de la Renaissance. Il y apprend aussi la peinture à l’huile, technique qui ne le quittera plus. Il sillonne l’Italie à moto de musée en musée, égrainant les villes historiques; c’est la dolce vita.

Botero au travail

Mais il faut rentrer au pays, et en cette année 1955 Bogota n’est pas prête à accepter les œuvres non conventionnelles de ce jeune artiste. Qu’à cela ne tienne, Botero se marie une première fois (il y en aura trois) en 1956 et s’envole pour le Mexique où naîtra son premier enfant qu’il appelle Fernando, un autre lui-même, puis il s’installe à Washington.

Botero: la magie des formes dilatées

En 1957 il crée sa première œuvre dilatée, Nature Morte à la Mandoline et trouve ainsi son style. Botero a raconté à l’auteur Jean-Marie Tasset sa genèse : « J’avais toujours cherché à rendre le monumental dans mon œuvre. Un jour, après avoir énormément travaillé, j’ai pris un crayon au hasard et j’ai dessiné une mandoline aux formes très amples comme je le faisais toujours. Mais au moment de dessiner le trou au milieu de l’instrument, je l’ai fait beaucoup plus petit et, soudain la mandoline a pris des proportions d’une monumentalité extraordinaire. »

Ce sera sa marque de fabrique et un moment clé dans son art. On le lui reprochera aussi, car ses personnages n’ont souvent pas d’expression particulière du visage, pas de sentiments, pas d’états d’âmes. Ils sont simplement là, apaisés, replets et contents d’être présents grâce à leur créateur. Qu’importe certaines critiques, le public admire, adore, et le succès est au rendez-vous. Les œuvres dilatées vont se multiplier, les caricatures ou clins d’œil aux grands maîtres du passé aussi, comme en 1961 cette Mona Lisa à l’âge de douze ans qui sera acquise par le Muma de New-York (Museum of Modern Art). Cette caricature iconoclaste de l’œuvre emblématique de Leonard de Vinci connaît aussi un grand succès. La pauvre Joconde en a vu d’autres, et des attaques bien plus graves, lisez ici notre article sur la « jocondoclastie».

Je n’ai jamais travaillé avec des modèles. Un modèle pour moi constituerait une limitation à ma liberté de dessiner ou de peindre. Je n’ai jamais posé trois objets sur une table pour faire une nature morte. Je ne me suis jamais placé, non plus, dans un endroit particulier pour reproduire un paysage. En réalité, je n’ai besoin de rien devant moi. Mes choix de personnages sont arbitraires et tous sont le fruit de mon imagination.

Botero, 2007

Un artiste complet, sculpteur et illustrateur

Les années qui suivent sont prolifiques et internationales, Botero voyageant à nouveau souvent en Europe. En Allemagne il étudie le grand dessinateur de la renaissance Albrecht Dürer et crée en 1967 une série d’œuvres intitulées « Dureroboteros ». La Galerie Claude Bernard l’expose pour la première fois à Paris en 1969. La tragédie le frappe en 1974 lorsqu’il a un grave accident de voiture, son fils Pedro Botero âgé de quatre ans meurt et l’artiste lui-même est grièvement blessé. Par la suite il créera une série d’œuvres en hommage à son fils décédé. Botero mort, il a retrouvé maintenant son cher enfant dont il a été longtemps séparé.

Les années 70 voient Botero se lancer dans la sculpture. Ses créations dilatées sont immédiatement reconnaissables. Une de ses sculptures exposée dans le centre de Medellin, L’Oiseau, sera détruite dans un terrible attentat en 1995 dans lequel 28 personnes perdront la vie. Botero en offrira une autre destinée à être placée au même endroit, en signe de paix. Il s’est aussi insurgé en 2004 contre les mauvais traitement que les prisonniers de la prison d’Abou Ghraïb en Irak subissaient alors.

© OFA/ZOJ/WENN.COM/SIPA

Botero a également illustré des collections de haute couture pour le Vogue Paris, et l’ouvrage de Gabriel Garcia Marquez, Chroniques d’une mort annoncée. Botero mort, l’artiste vient de rencontrer son destin final suite à une pneumonie, à Monaco où il résidait. Il laisse une œuvre originale et joyeuse, tout en rondeurs sympathiques et bienvenues dans un monde plein d’aspérités.

268 oeuvres de Botero :