L’exposition Jean Sala (1869-1918), Couleurs d’une époque est organisée à l’initiative de Jean-Paul Morin (né en 1946). Mécène et bibliophile, Jean-Paul Morin fait des recherches sur Jean Sala, peintre oublié de la Belle Époque, depuis une cinquantaine d’années. L’artiste a peint des portraits notamment des vedettes du music-hall, des scènes de vie, des nus… L’art publicitaire lui a permis de se faire connaître. Pour cette rétrospective inédite, soixante-dix œuvres sont présentées au Musée Boesch au Pouliguen, villa face à la mer léguée par Bernard Boesch à la Ville de La Baule-Escoublac. 

Jean-Paul Morin, vous contribuez à la redécouverte artistique de l’œuvre du peintre Jean Sala. C’est une longue passion qui vous lie à votre grand-père.

Jean-Paul Morin Exposition Jean Sala – Musée Boesch ©Fatma Alilate

Je n’ai pas connu mon grand-père décédé en 1918, ma mère avait trois ans. Je n’ai rien connu de sa vie. L’épouse de Jean Sala est morte en 1950, je n’avais que quatre ans. Comme il n’y avait pratiquement pas d’archives familiales, seulement quelques tableaux dans la maison de mes parents, j’ai commencé une sorte d’enquête policière sur Jean Sala, sa vie, ses œuvres. Parallèlement à mes recherches, j’étais bibliophile – je le suis toujours -, je collectionnais des livres de voyage et j’ai été amené à fréquenter les Salons du livre, les salles des ventes. En même temps que je cherchais des livres de voyage, je recherchais des livres sur les musées et les expositions correspondants à la période de la Belle Époque. J’ai été identifié pour le peintre Jean Sala, et j’ai répertorié ses œuvres.

J’ai ainsi découvert qu’il a été Médaillé plusieurs fois, qu’il a exposé à l’Exposition universelle de 1900, dans de nombreux musées en France et à l’étranger. Je me suis pris au jeu, j’ai continué mes recherches dans le cadre de mon temps libre car j’occupais des fonctions importantes. Il y a une quinzaine d’années, j’ai rencontré Mireille de Lassus, une historienne de l’art, et Dominique Lobstein, responsable de la Bibliothèque du Musée d’Orsay, qui ont accepté de rédiger un Catalogue raisonné consacré à Jean Sala. 

Ce Catalogue raisonné référence quatre cents œuvres.

Pour le prochain Catalogue, il y aura davantage d’œuvres. À la première édition publiée en 2009, nous n’avions pas les connaissances d’aujourd’hui. Depuis il y a entre quarante à cinquante tableaux que l’on a pu redécouvrir. Ce qui est compliqué c’est que dans le Catalogue raisonné, sur les quatre cents œuvres répertoriées, certaines ne sont pas illustrées voire non dimensionnées et uniquement citées à partir de traces retrouvées dans des catalogues d’expositions ou de ventes.

C’est intéressant parce que les recherches ont continué. L’œuvre est encore en référencement. À l’exposition du Musée Boesch, on voit ce portrait en pied de Paul Porel. Dans le Catalogue raisonné, ce tableau était porté disparu et il est finalement présenté.

Le tableau est passé en vente à New York et j’ai pu l’acquérir.

C’est un portrait assez imposant par ses dimensions. On voit ce personnage, Directeur de Théâtres comme L’Odéon et mari de Réjane. 

Jean Sala a peint nombre de vedettes : Arlette Dorgère, Polaire, Coquelin Aîné… L’exposition propose différentes photographies prises dans l’atelier du peintre avec ses modèles.

Jean Sala a fait des portraits mondains et aussi des portraits familiaux. Vous êtes très attaché au tableau La joueuse de tennis qui est l’affiche de l’exposition Couleurs d’une époque.

C’est le premier tableau qui m’a été offert par mes parents quand j’avais une vingtaine d’années. Ce tableau me suit depuis toujours. Il représente ma grand-mère.

Pour Mireille de Lassus, Jean Sala est le peintre du bonheur. Il a illuminé ses pastels par des couleurs très gaies. Il a aussi osé des tonalités acidulées. 

Oui Réveil dans des tonalités bleues, d’autres toiles aussi. Dans certains de ses tableaux, il y a une lumière, une clarté, une transparence. 

Exposition Jean Sala – Musée Boesch © Fatma Alilate

Au niveau des thèmes, il a aussi peint des personnes de milieux populaires. Notamment ce tableau En train de plaisir avec des voyageurs d’un wagon de troisième classe. 

C’était le tableau préféré de Dominique Lobstein. Il voulait que cette toile soit la couverture du Catalogue raisonné. 

Le dernier niveau de l’exposition est consacré à l’art publicitaire qui a permis à Jean Sala de se faire connaître. 

Oui, tout à fait. À cette période, les peintres faisaient des affiches publicitaires et participaient à la réclame. C’était un moyen de subsistance. Jean Sala a travaillé pour la famille Lefèvre-Utile de la Biscuiterie LU, et aussi pour des villes d’eau, des grands magasins.

Cette exposition consacrée à Jean Sala restitue son parcours artistique grâce à vos acquisitions.

C’est la première fois que Jean Sala est exposé depuis sa mort, en 1918, donc depuis plus de cent ans. Les toiles font partie de ma collection, je suis content de cette démarche de partage avec le public. Je pense qu’à la suite de cette première exposition d’autres détenteurs de tableaux de Jean Sala vont se révéler et qu’il y aura de nouvelles découvertes – ils seront peut-être prêteurs pour d’autres expositions.

Propos recueillis par Fatma Alilate.


Exposition Jean Sala (1869-1918), Couleurs d’une époque

Musée Bernard Boesch : 35 avenue François Bougouin, 44 510 Le Pouliguen.

Jusqu’au 23 août 2023.

Commissaires d’exposition : Jean-Paul Morin, mécène et collectionneur, et Philippe Larue, Directeur du Musée Boesch.