Le cerf de métal, majestueux, qui nous accueille derrière la grille séparant le château de Gien et la place de l’église, donne le ton : nous arrivons dans une maison de chasseurs, d’amateurs de la nature, de passionnés d’animaux. La bienvenue est annoncée fièrement par le porteur de bois multiples, le seigneur des forêts européennes. Il est à sa place.

Illustration: La Loire à Gien © Photo Claude Rigo-Gavriloff

Daté du XVème siècle, la fille de Louis XI, Anne de Beaujeu, commanda cet édifice, abandonnant la mode médiévale pour un confort plus Renaissance. Les briques colorées dessinent discrètement des structures géométriques sur la façade imposante. Les tours et tourelles étirent difficilement la forme vers le ciel en essayant d’alléger le poids du site.

Le cerf majestueux © Photo Claude Rigo-Gavriloff

Au XIXème siècle, le Département du Loiret y campa sa sous-préfecture, un tribunal et une prison. L’ambiance austère du lieu correspondait alors  à la solennité requise pour ces activités officielles.

En 1952, le château deviendra l’écrin du Musée de la Chasse, sous l’œil délicat du très distingué Henri de Linarès, premier conservateur.  Les élégantes qui nous lisent reconnaitront le nom de ce créateur de carrés Hermès. Artiste cynégétique, il a signé de nombreuses soies aux motifs d’oiseaux, de plumes,  de faucons ou de natures mortes dont l’intemporalité résiste aux modes internationales en rendant l’élégance parisienne incontournable.

© Photo Claude Rigo-Gavriloff

Une fois entré, le doute n’est pas permis : nous sommes bien dans un musée de la chasse. Les tableaux imposants de chiens et de gibier vous emmènent dans cet univers de cors et de cris. Le musée est consacré aux techniques de chasses traditionnelles, principalement  à courre et au vol. Les armes y sont présentes par obligation, semble-t-il, mais c’est indéniablement la vènerie et la fauconnerie y sont mises en avant de manière permanente. 

Les salles oscillent entre la délicatesse des objets précieux, la finesse des sculptures, la délicatesse des aquarelles, la précision de gravures sur armes et une salle des trophées rappelant que la chasse est un art mais aussi un acte de prédation.

L’impressionnante collection de boutons de chasse, de vènerie et de fauconnerie © Photo Claude Rigo-Gavriloff

Un coup de cœur particulier pour la collection de boutons de chasse, de vènerie et de fauconnerie. Ces fermetures vestimentaires personnalisées pour chaque équipage, et souvent soulignées d’une devise, ornent un pan mûr entier. L’on y découvre que Sarah Bernhardt avait un bouton de chasse orné d’un grand-duc dont la devise est « fidèle quand même». De nombreux autres boutons royaux ou impériaux soulignent la délicatesse des détails trop souvent abandonnés de nos jours. Le bouton de chasse embouti, gravé ou coulé, est une fierté individuelle pour chaque porteur, transformant le don d’une de ces pièces en preuve ultime de respect ou d’amitié sincère. C’est une particularité française.

Les veneurs se retrouveront face à des trompes de chasse dont la longueur dépliée est toujours de 4.545 mètres mais dont le nombre de tours, les contorsions particulières les rendront plus adaptées à la chasse à cheval ou à pied. L’encombrement restreint permet un confort au chasseur sans en modifier le son. Avouons aussi que les  chasseurs plus imposants physiquement choisiront les trompes les moins roulées, donc plus facile à ceindre.

Les trompes © Photo Claude Rigo-Gavriloff

Quelques objets de très grande délicatesse se retrouvent isolés. Mon préféré est clairement un éventail de plumes de geai montées sur écailles de tortue. La douceur de l’air brassé par ces plumes légères et colorées d’un bleu intense devait faire la fierté confortable d’une aimée.

Des collections diverses de chaperons, petites coiffes pour tenir les oiseaux de chasse au calme et sous contrôle, de jolies sculptures de terre cuite, des tableaux sobres classiques aux huiles du XXème siècle, vous emmèneront dans un univers décrit par des passionnés contagieux. Un support visuel animé ne manquant pas d’humour vous immobilisera quelques minutes pour vous décrire une chasse au faucon réussie.  Chaque pièce est un piège où l’on discute avec les curieux qui se transforment au fil de la visite en spécialistes amateurs. Il y a un côté familial dans ce lieu marqué par un sujet dont la controverse disparaît au fur et à mesure de sa découverte.

Un très élégant éventail en plumes de geai © Photo Claude Rigo-Gavriloff

Une exposition temporaire de la chasse du mammouth par les hommes du froid permet de ressentir la difficulté de l’action dans un environnement hostile. La recherche de protéines et de calories  par les Sibériens d’antan mérite ce moment didactique.  « Il est plus difficile de faire sentir que d’expliquer » disent les maîtres ; l’exposition actuelle remplit sa mission parfaitement malgré la disparition de ce gibier et l’exotisme du biotope. Le froid est ressenti, la crainte du danger palpable et l’on s’y croirait.

Une leçon amusante rompt la monotonie des couloirs. De nombreuses expressions courantes  sortent du langage de la vènerie et de la fauconnerie. « Faire buisson creux », « chaperonner quelqu’un », « rendre gorge », tant de sauts du langage vernaculaire de la chasse vers la langue française quotidienne, éclairés précisément.

Une représentation de la chasse au vol © Photo Claude Rigo-Gavriloff

« La chasse commence par le choix de son compagnon et se termine à table avec ses amis » disent les propriétaires de chiens ou de rapaces. Ici, peu de choses sur l’art de la table ; mais n’oubliez-pas que vous êtes à Gien, capitale de la vaisselle française, qui peut satisfaire vos ambition de décoration festive autour d’un gibier pris par un faucon,  coiffé par une meute ou prélevé par une arme. Malheureusement, le mammouth ne sera pas au menu.

Les sybarites aimeront les lieux, les romantiques se régaleront des bords de la Loire et les gourmands choisiront leur service pour le prochain dîner en famille. C’est un peu tout cela Gien : un condensé de la France d’avant, celle qui nous accueille pour une étape ou un court séjour. Celle qui nous laisse ce souvenir discret de l’art de vivre. Cette visite du Château Musée de Gien en est un exemple parfait, nous y retourneront.

Pour connaître les heures d’ouverture du Château Musée de Gien


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